
Mes premières expériences sur des chantiers ont été assez particulières; le regard des ouvriers et le questionnement sur leur visage en disait long sur le fait qu’ils n’avaient pas souvent eu affaire à une ingénieure mécanique. Ce n’était pas irrespectueux. Il me fallait seulement plus de temps et d’efforts que mes collègues masculins pour qu’on me prenne au sérieux et qu’on accepte mes directives. Il fallait briser un certain plafond de verre.
Devenir la patronne
Ça fait maintenant une dizaine d’années que je roule ma bosse en génie mécanique. Il y a quelques mois, j’ai eu vent d’une occasion d’affaires qui m’a fait frissonner; le propriétaire d’une entreprise de fabrication voulait se retirer et vendait sa compagnie. L’idée de devenir entrepreneure me trottait dans la tête depuis longtemps. C’était le moment de mettre le projet en marche!
Donc, depuis une semaine, je suis la nouvelle PDG de mon entreprise. Je me suis présentée le premier matin, le cœur plein de fierté et d’excitation! J’ai la tête pleine de projets - il me semble que tout est possible!
Ce matin, j’ai fait ma première visite sur un chantier où une de nos équipes travaille. Disons que j’ai eu droit à une douche froide. De toute évidence, si moi je sais que je peux y arriver comme propriétaire de cette entreprise, j’ai du travail à faire pour avoir un « look » de patronne. Le client, quand il m’a vu, m'a demandé où était le patron… J’espère que ce que j’ai ressenti n’a pas été trop visible.
Hourra pour l’accompagnement
Je savais que ça ne passerait pas comme du beurre dans la poêle, mon arrivée comme propriétaire. Heureusement, l’ancien propriétaire a accepté de rester quelques mois pour assurer une transition efficace et me faire part de ses connaissances et de ses contacts. Et j’en suis bien contente, car il est un excellent mentor et me guide bien avec les rouages, l’histoire et les valeurs de l’entreprise. C’est important de connaître tout ça, car je ne veux pas tout changer, je veux faire évoluer l’entreprise.
Les risques sont grands quand on achète une entreprise. J’ai investi beaucoup et des institutions financières m’ont fait confiance. La période de transition qui s’amorce est cruciale pour la suite. C’est pour ça que je veux prendre toutes les précautions. Je n’avais cependant pas prévu que le fait que je sois une femme, et jeune de surcroît, deviendrait à ce point un enjeu aux yeux de certains. D’un autre côté, si j’avais acheté une entreprise à prédominance d’employée féminine ou mixte, je pense que je vivrais les mêmes enjeux.
Tout ceci est pour moi un grand exercice de patience! Je sais qu’il faut laisser le temps aux employés, aux clients et même aux fournisseurs d’accepter le changement. J’ai ma place dans ce domaine et j’ai ma place à la tête de cette entreprise. Ça ne fait aucun doute dans mon esprit.
Selon mon expérience, en ayant des communications ouvertes et en respectant le processus, ces barrières tombent. Permettre à tout le monde de me poser leurs questions et de me parler de leurs inquiétudes va les aider à mieux comprendre les changements. Ça me permettra aussi de leur expliquer ce que j’attends d’eux, comme le respect de mes décisions et des nouvelles règles que je compte mettre en place.
D’autres femmes pour discuter
Dans ma recherche d’aide et de financement, une personne m’a parlé de plusieurs réseaux et d’organismes qui appuient les femmes en affaires, comme le RDÉE Nouveau-Brunswick (avec leur programme Solution : Repreneuriat), le Réseau échange femmes en affaires du Madawaska, Femmes en affaires NB, et m’a suggéré d’aller voir de ce côté. Une chance que j’ai suivi le conseil! J’ai là un groupe de soutien composé de femmes qui ont leur entreprise ou qui veulent se lancer en affaires. Ceci m’a également permis de discuter avec une entrepreneure qui veut bien m’aider et agir comme mentore.
Mes frustrations de femme dans un milieu d’hommes, certaines le vivent aussi. Ça nous permet d’en parler ouvertement et de nous encourager ou de nous rappeler d’être patientes - c’est aussi nécessaire.
Le groupe m’a également permis de voir que certains des défis que je ressens sont les mêmes pour toutes celles qui ont fait l’acquisition d’une entreprise établie; ça n’a rien à voir avec mon domaine. Raison de plus pour suivre mon plan de transition et continuer de croire en mon rêve!
À noter : Dans cet article, le «Je» est une narratrice fictive. Ce texte n'est pas un témoignage, il est uniquement inspiré de faits réels. Toute ressemblance avec des personnes ayant participé au programme n'est que pure coïncidence.